POEMES POUR LA NEIGE

    Pour se mettre dans l'ambiance...

    2019-2020

    Gustave ROUD
    Poète et photographe suisse vaudois (1897-1976)

    Non pas cette neige d’une nuit sous le pâle soleil rose, où le regard au lacs de mille signes déchiffre avec ennui les feintes, les chasses, les famines de tant de bêtes glacées ! Qu’ai-je à faire de ces traces trop pareilles à celles des hommes ? Elles s’en vont toutes vers la tanière et vers le sang. 

    La neige a d’autres signes. Son épaule la plus pure, des oiseaux parfois la blessent d’un seul battement de plume. Je tremble devant ce sceau d’un autre monde. Ecoute-moi. Ma solitude est parfaite et pure comme la neige. Blesse-la des mêmes blessures. Un battement de cœur, une ombre, et ce regard fermé se rouvrira peut-être sur ton ailleurs.

    in « Air de la solitude. Requiem I »

    Nâzim HIKMET
    Poète turc (1901-1963)

    Extraits de « IL NEIGE DANS LA NUIT »

    Ce soir,
    je suis un chanteur des rues…
    Il neige dans la nuit…
    Tu as toute une armée devant toi
    Il neige,
    Et alors que je pense à toi,
    à l’instant même,
    une balle
    peut te trouer le cœur, là

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    A la gare une jeune femme m’attendait
    Les cheveux de paille blonde les cils bleus…
    Je lui pris la main nous marchâmes,
    Nous marchâmes sous le soleil la neige crissait sous nos pas.

    Extrait de « Un étrange voyage »
    Long poème épique et lyrique
    Traversée de l’Anatolie et
    prise de conscience de la pauvreté
    (alliée à la neige)



    Yorgos SEFERIS

    La neige ici n’en finit pas. Dans l’Attique
    on l’accueille comme une pause bienfaisante
    ou le recueillement d’avant les amandiers en fleurs
    ou le drap du théâtre d’ombres après les flonflons.

    Les gens sont contents, sortent dans la nature, oublient
    la pauvreté. La neige ici
    c’est le zéro. A des milles en dessous de zéro
    tandis que le sable blanc scintille, des visages
    sans joues, sans traits, des yeux
    veillent loin de la terre bénie.
    Je n’oserais parler de prières, et pourtant
    on sacrifie un agneau parfois :
    le sang jaillit, soleil explosant, aveuglant.

    Instants où tout s’en va, où tout bruit
    semble le premier ; tombant, dirait-on
    dans une main de pierre ou de bois
    Et les hommes s’en vont d’où naissent des statues.


    in « Argo » – Janvier 1949




    2018-2019

    SALAH STETIE

    Poète, essayiste et critique d’art (né à Beyrouth en 1929)

    « Il y a contre mon cœur un enfant qui un peu brûle
    Comme un enfant de neige
    Sa nature est de neige et sa larme me brûle
    Où se défait la neige
    Il y a face à l’esprit une larme de neige
    Et sa lumière est larme… »

    in L’autre côté brûlé du très pur - Gallimard (1992)

    « et la rue est de neige et les couleurs s’effacent
    rutilantes couleurs, tous vos drapeaux s’endorment !
    […] s’endorment ; puis revivent. le temps du rouge :
    c’est le midi du jour et c’est rouge et c’est louve.
    - cette blessure au plus féminin du soleil »

    in Le mendiant aux mains de neige – Fata Morgana



    2017-2018